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Le recyclage de l'eau pendant le voyage
La nécessité de recycler l'eau
Aujourd’hui, recycler l’eau lors de voyages spatiaux longue durée est devenu indispensable. En effet, lors des premières expéditions spatiales qui étaient relativement courtes, les astronautes pouvaient transporter toute l’eau nécessaire à leur survie à bord du vaisseau mais aussi conserver leurs déchets jusqu’à leur retour sur Terre. Cependant, aujourd’hui nous devons envisager des moyens de recyclage d’eau et des déchets étant donné la durée des expéditions qui a considérablement augmenté. Par exemple pour une expédition complète Terre-Mars comprenant le voyage et le temps passé sur la planète, il faut compter plus de 900 jours soit environ un an de voyage aller, un an sur place et un an de voyage retour. Par comparaison, un aller-retour vers la station spatiale internationale, ne dure que 4 heures pour l’expédition la plus rapide.
La consommation d’eau par jour et par personne est estimée à :
|
Consommation sur Terre |
Consommation dans l’espace |
BOIRE |
1,5 L |
1,5 L |
CUISINER |
5,0 L |
0,8 L |
TOILETTES |
10,0 L par utilisation |
0 L |
DOUCHE |
60 à 120 L |
0,5 L |
TOTAL |
entre 96,5 L et 156,5 L |
environ 2,8 L |
En ce qui concerne l’hydratation des Hommes, elle est la même sur Terre que dans l’espace. Pour la cuisine, il suffit de 0,8 L d’eau dans l’espace contre 5 L sur Terre. Pour les toilettes, en estimant que l’on utilise 4 fois les toilettes par jour, il faut environ 10 L par chasse, soit 40 L au total contre 0 L dans l’espace.
En effet, aller aux toilettes n’est pas le plus simple, mais la chasse d’eau est remplacée par une aspiration vers un compartiment de récupération.
En ce qui concerne les douches, nous utilisons sur Terre entre 60 et 120 L d’eau contre 0,5 L dans l’espace car les astronautes utilisent des serviettes réutilisables et une solution nettoyante sans rinçage. Cependant le brossage des dents et l'humidification des serviettes réutilisables nécessitent un petit peu d'eau. Pour les shampoings, les astronautes utilisent aussi des shampoings sans rinçage. Au total, on utilise donc entre 96,5 et 156,5 L par jour contre 2,8 L dans l’espace.
Schéma de l'ESA montrant la comparaison de la consommation d'eau pour l'hygiène minimale d'un astronaute et celle d'un Homme
La première adaptation liée aux conditions spatiales est donc la réduction du besoin en eau à la source.
Pour six astronautes, il faudrait donc prévoir environ 17 820 L soit 18 tonnes d’eau pour 900 jours dans l’espace.
Il est donc impossible d’apporter à bord d'un engin spatial autant d’eau car cela serait bien trop volumineux et lourd à transporter compte-tenu des restrictions en matière de poids des lanceurs et des stations spatiales.
Par exemple, la capacité totale d’eau transportable depuis la terre à bord de l’ISS est comprise entre 6000 et 9000 L environ.
Les solutions envisagées :
Il a donc fallu réfléchir à des solutions de recyclage en prenant en compte des facteurs absents sur Terre tels que :
- L’apesanteur
- La durée de vie des différents composants sans maintenance lourde
- Les aléas imaginés par les équipes d’ingénieur après le lancement de la navette
La solution qui est apparue assez rapidement est le recyclage des eaux usées telles que l’urine combinée avec celui de l’humidité extraite de l’air essentiellement produite par la transpiration et la respiration des astronautes.
Un premier dispositif a donc été créé en 2008. Il s’agit du Water Recovery System (WRS) ou recycleur d’eau en français.
Photographie du Water Recovery System (WRS)
Ce dispositif a été conçu par le bureau d'études du centre spatial Johnson de la Nasa à Houston (USA) et développé au Centre de vol spatial Marshall à Huntsville.
Le principe de traitement de l’eau par ce système consiste à convertir les eaux usées des astronautes, principalement constituées d’urine, en eau potable. Mais d’autres sources de liquides sont aussi exploitées.
Il a ensuite été transféré à bord de la station spatiale internationale en novembre 2008 par la navette Endeavour puis installé par l'équipage et mis en fonctionnement. Toutefois, les premiers échantillons d'eau purifiée n'étaient pas destinés à la consommation et ont été ramenés sur Terre pour analyse. Ces analyses réalisées sur l’eau produite tous les quatre jours pendant trois mois se sont révélées conformes aux normes les plus strictes de l’utilisation d’eau potable. Aujourd’hui, ce sont près de 6500 litres d’eau qui sont ainsi recyclés par an dans la station. Ce système permet aussi de réduire la quantité d’eau à apporter a bord de la navette pour le voyage.
Navette spatiale Endeavour en cours de lancement
Pour limiter au maximum la déperdition d’eau dans la station. Le fonctionnement de ce système se divise en 3 phases distinctes :
- La première étape est la récolte et le premier traitement de l’urine. En effet, 1,5 litres d’eau sont perdus chaque jour par le corps humain via l’urine. L'urine est ensuite centrifugée.
En effet, la centrifugation permet de séparer des constituants de taille et de masse très variables contenus dans un liquide. Tous les constituants contenus dans un échantillon sont soumis à la gravité force qui s'exerce du haut vers le bas et à la poussée d'Archimède force qui s'exerce du bas vers le haut.
Lorsque cet échantillon subit une rotation, apparaît une nouvelle force la force centrifuge. Il en résulte soit une sédimentation vers le fond du récipient soit une remontée des éléments les plus légers. Dans notre cas, ce processus permet d’isoler les constituants les plus lourds de l’urine (composés organiques, minéraux…).
- Le liquide récupéré est ensuite soumis à un processus de distillation sous pression qui fournit un liquide presque pur appelé distillat épuré d’urine.
Schéma de la distillation
Cependant, le liquide obtenu n’est pas encore assez pur, ce distillat est alors combiné aux diverses eaux récoltées dans la station, notamment celle provenant de l’humidité de l’air récoltée grâce à un condenseur. Un condenseur est un appareil permettant de récupérer l’humidité de l’air (gaz) et de la transformer en eau (liquide), le plus souvent par utilisation d’une paroi froide. Dans l’espace, l’eau récupérée sera ensuite recyclée.
En effet, toutes les eaux rejetées par les astronautes doivent être collectées, sans quoi ce système de pointe ne serait pas conforme aux vols spatiaux de longue durée. L’humidité de l’air est non négligeable puisque près de 0.5L de l’eau rejetée par le corps humain, est perdu chaque jour par la respiration de l’homme.
- Le mélange est alors mis en contact avec des agents chimiques tels que le chlore et l’ozone qui détruisent ses impuretés organiques : ces gaz détruisent les micro-organismes restants.
Enfin, le liquide obtenu est chauffé puis débarrassé de ses composés organiques par un phénomène d’oxydation : de l’oxygène obtenu grâce à l’électrolyse de l’eau, est directement injecté dans le liquide provoquant l’oxydation des composés organiques présents.
Lors de l’électrolyse de l’eau, deux électrodes en métal, la cathode et l’anode attirent respectivement les anions et les cations grâce au courant continu crée entre elles grâce à un générateur. La cathode chargée négativement attire les cations et l’anode chargée positivement attire les anions. L’équation globale de ce procédé est la suivante :
2H2O → 2H2 + O2
Dans le milieu réactionnel, une réaction de réduction (qui permet le transfert des ions) se produit. Les molécules d’eau subissent un gain d’électron et chacune des molécules se divise en dihydrogène (H2) en produisant des ions hydroxyde (OH-), selon la réaction suivante :
2H2O + 2e- → H2(g) + 2 OH-
Dans le même temps, un processus d’oxydation se produit à l’anode. Les molécules d’eau subissent une perte d’électrons et chaque molécule se divise en dioxygène (O2) et produit des ions hydrogène (H+) en libérant des électrons, selon l’équation suivante :
2H2O → O2 + 4H + + 4e-
Schéma de l'électrolyse de l'eau
Pour éliminer toute trace d’éventuels débris ou bactéries qui auraient échappé aux opérations précédentes, de l’iode est ajoutée pour purifier définitivement l’eau.
L’eau récupérée peut ainsi être de nouveau utilisée pour boire, se nourrir ou encore servir aux machines de la navette.
Le Water Recovery System une solution envisageable à long terme ?
Le recyclage suffit donc à produire toute l’eau nécessaire aux astronautes. En effet, 6500 litres d’eau recyclés par an = 17,8 litres/jour soit de quoi subvenir aux besoins des 6 astronautes. Il faudra quand même apporter de l’eau depuis la Terre pour avoir une base de recyclage au départ mais aussi pour prévoir des éventuelles pannes du WRS qui empêcheraient ce recyclage et cette production quotidienne d’eau.
L’eau joue un autre rôle important dans les systèmes d’entretien de la vie de l’ISS, car elle alimente également le générateur d’oxygène de la station. Ce système utilise lui aussi l'électrolyse pour scinder de l'eau liquide en composants chimiques, libérant ainsi de l'oxygène et de l’hydrogène afin de renouveler l’air de la station.
Toutefois, il faudra éliminer l’hydrogène produit car il présente un risque d’explosion au sein de la navette, ou alors l’utiliser dans le réacteur de Sabatier. C’est un système qui permet, en présence d’un catalyseur, de créer de l’eau à partir de dioxyde de carbone et d’hydrogène. C’est Paul Sabatier qui a découvert dès 1897 que la présence d’un catalyseur comme le nickel permettait de diminuer ou d’accélérer la vitesse d’une réaction chimique sans lui-même subir une quelconque modification chimique.
Dans le cas de l’ISS, la technique utilisée est dite d’hydrogénation parce qu’elle requiert la présence de dihydrogène dans la réaction chimique en plus du catalyseur.
Le catalyseur est ici du nickel. Le mélange entre du dioxyde de carbone et du dihydrogène donne de l’eau (réintroduite dans le cycle de l’eau) et du méthane (qui servira pour la fabrication du carburant pour le voyage retour) selon l'équation suivante :
CO2 + 4H2 → CH4 + 2H2O
Cette innovation marque un progrès important dans l’avenir de l’humanité dans l’espace, mais offre également des perspectives nouvelles.
En effet, la technologie développée par la NASA pour le Water Recovery System a déjà été utilisée pour fournir de l’eau potable à de nombreux pays en développement situés en Afrique.